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843 L’année maudite


Ils sont un certain nombre, de part et d’autre du Rhin, à regretter amèrement que la France et l’Allemagne ne constituent pas une seule et unique nation, entourée des moyens et petits États de l’Europe, précieux satellites riches d’une heureuse diversité, tours de guet propres à déceler les machinations des Angles et des Saxons. La puissance allemande et la finesse française, la discipline allemande et l’ingéniosité française, la détermination allemande et le courage français assureraient alors à l’Europe la première place dans le concert des continents.

Il y a plus d’un millénaire, ce rêve était réalité : l’empire de Charlemagne, troisième démiurge connu après Alexandre le Grand et Jules César, s’étendait de la mer du Nord à la Toscane, de l’Elbe et du Danube aux Pyrénées. Charlemagne mourut en 814. Louis le Pieux, le seul de ses trois fils à lui survivre, lui succéda. Louis avait compris que l’empire carolingien disparaîtrait s’il était partagé entre ses trois fils ; aussi s’empressa-t-il, trois ans après son avènement, de régler sa succession en faisant de son aîné, Lothaire, le futur empereur. La mort de sa femme, Ermengarde, son remariage avec Judith de Bavière, dont il eut un quatrième fils, le futur Charles le Chauve, mirent par terre le bel agencement : à sa mort, en 840, l’Empire sombra dans le chaos.

Le 25 juin 841, sur le site de l'actuelle petite commune de Fontenay-en-Puisaye (anciennement Fontenet), dans ce qui est aujourd'hui le département français de l’Yonne, près d’Auxerre, le futur roi de France Charles II le Chauve et son frère Louis II le Germanique devaient vaincre leur frère aîné Lothaire Ier et Pépin II. Cette bataille allait aboutir au traité de Verdun de 843 qui consacra l’éclatement de l’Empire. Charles le Chauve fut placé à la tête de la France, Louis reçut la Germanie, Lothaire garda le reste : l’Italie, la région à l’est du Rhône et la Lotharingie. Malgré au moins trois grandes tentatives, jamais plus la France et l’Allemagne ne se retrouvèrent réunies.

Dès lors, l’histoire de la France et l’histoire de l’Allemagne devaient, pendant un certain temps, se juxtaposer, la France aux prises avec les ambitions anglaises, l’Allemagne en butte aux prétentions papales. Les deux grandes nations s’ignorèrent, ne se rencontrant qu’épisodiquement sur des champs de bataille, comme celui de Bouvines où, le 27 juillet 1214, le roi de France vainquit le comte de Flandre, le roi d’Angleterre et leur allié l’empereur Othon IV qui faillit périr des mains du chevalier français Guillaume des Barres.

La première tentative manquée de restauration de l’unité fut le conflit entre François Ier et Charles Quint : pas moins de cinq guerres, entre 1521 et 1556, devaient opposer Français et Allemands jusqu’au traité de Cateau-Cambrésis de 1559. Ce furent ensuite les conflits créés par les visées de Louis XIV auxquelles venaient s’ajouter les différends entre catholiques et protestants. Arrivèrent ensuite les idées nouvelles de la Révolution française qui trouvèrent bientôt leur épée dans les mains de Napoléon, quatrième démiurge après Charlemagne. L’Union s’était pratiquement refaite cette fois, certes militairement s’entend. Elle aurait pu se faire durablement sans l’opiniâtre détermination anglaise et sa remarquable aptitude à fomenter des coalitions contre l’idée même d’une Europe unie. La guerre franco-allemande de 1870-1871, engagée stupidement par la France, ardemment désirée par la Prusse, pourvoyeuse d’unité nationale allemande et d’esprit revanchard français, ne sonnera pas le glas des disputes entre les deux peuples frères. Francs et Germains vont de nouveau en découdre moins d’un demi-siècle plus tard.

Ce sera la Grande Guerre, marquée notamment par la fameuse bataille de Verdun où périrent pas moins de trois cent soixante mille Français et trois cent trente-cinq mille Allemands. Verdun ! Haut lieu de tragédie de l’Histoire. Philippe Pétain, le vainqueur de Verdun, a-t-il pensé au traité de 843 avant de mourir dans sa prison de l’île d’Yeu ? Ce fut enfin la Seconde Guerre, cette fois encore plus mondiale que la Première.

En un temps où les États des cinq continents se  demandent quel sera leur avenir alors que sévit une crise, d’abord financière avant de devenir économique, aux origines bizarrement comparables à celles qui présidèrent au cataclysme de 1929, en ce temps d’angoisse universelle, ils sont un certain nombre, de part et d’autre du Rhin, à faire ce beau rêve : pourquoi la France et l’Allemagne ne formeraient-elles pas, un jour, une seule et unique grande nation ?

 

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